« Imagine…..le squat ! »

En cette semaine du 1er anniversaire du squat de Jeudi Noir dans l’hôtel particulier de la Place des Vosges, je propose de mettre en fond sonore cette chanson de John Lennon, si tant est que les lieux et l’utopie sont indissociables, même par la négative ( u-topia, du grec « sans lieu »).

Jeudi Noir, collectif voué à la défense du logement pour les plus démunis, squatte depuis octobre 2009 via 33 jeunes étudiants et travailleurs, un hôtel particulier de 2300 m2 sis Place des Vosges, jadis demeure de la marquise de Sévigné, acheté en 1963 par Mme C. une française d’aujourd’hui 87 ans. Le bâtiment, lourdement restauré par la propriétaire les premières années a été laissé à l’abandon pendant près de 40 ans.

Jeudi Noir, collectif voué à la défense du logement pour les plus démunis, squatte depuis octobre 2009 via 33 jeunes étudiants et travailleurs, un hôtel particulier de 2300 m2 sis Place des Vosges, jadis demeure de la marquise de Sévigné, acheté en 1963 par Mme C. une française d’aujourd’hui 87 ans. Le bâtiment, lourdement restauré par la propriétaire les premières années a été laissé à l’abandon pendant près de 40 ans.

Situation évidemment tendue, demande de dédommagements aux squatteurs, indignation sur l’existence des logements vides et plus globalement sur les conditions de logement à Paris…Nous ne prendrons pas part à la polémique, la conséquence du droit de propriété restant, avant tout, le libre usage du bien. Et proposons aux vertueuses âmes indignées de céder à des squatteurs de jour leur appartement déserté pour raisons professionnelles la semaine, et le même à des squatteurs de week-end quand elles partent en villégiature!

Laissons plutôt s’exprimer les protagonistes de la situation :

La propriétaire : « Ce bien, je l’ai acheté avec passion et restauré assidument, à grands frais. Je voulais en faire une Fondation pour les langues orientales, un lieu ouvert sur le monde. Ce qui s’est passé ensuite m’appartient. C’est mon secret. N’empêche, j’adorerais le voir restauré avant de mourir»

Les squatteurs : « On est indignés que des endroits aussi grands soient laissés à l’abandon dans Paris pendant que nous, on galère à payer hors de prix des chambres de bonnes paumées dans des coins perdus. Place des Vosges, on est central, donc plus frais pour étudier, se rendre au travail et sensibiliser les esprits. En plus no soucï, on a cinq architectes avec nous, donc le bâtiment est en mains »

Madame de Sévigné : « Enfin on m’écoute, quand je dis qu’une conversation vaut mieux que cinquante lettres ! Je sais de quoi je parle, avec mes mille missives écrites pendant plus d’un quart de siècle à ma fille. Ma bonne, si ces gens se trouvent bien dans votre logis, alors que vous êtes dans le vôtre où est la faute ? Moi la mondaine qui adorais la fête, je frémis en imaginant les murs silencieux, les corridors morts, les salons sans vie. Ces jeunes refont vibrer, rire, et respirer notre maison, réjouissons-nous ! »

L’hôtel particulier : « Déjà rien que par le nom, on démarre dans l’ambiguïté. Hôtel d’un côté, j’accueille, particulier de l’autre, ça sélectionne. Pourquoi pas ? Le problème, c’est qu’à force de le vivre en particulier mon hôtel, je me retrouve tout seul. Imagine, les deux tiers d’une vie humaine sans… vie justement ! La pluie contre les vitres cassées, le froid sous les portes, la neige dans la cour, vierge évidemment. L’ennui.

Depuis le squat au moins, on m’entoure. Bien sûr je préfèrerais aux sacs de couchage, aux sacs à dos et aux sacs tout courts, une bonne réfection, des tentures, de la peinture et des tapis. C’est mon côté franc-bourgeois, limite aristo, et ça me rappellera mes jeunes années sous Louis XIV avec cette bonne marquise. Mais j’ai changé aussi, la souffrance de la solitude m’a rendu sensible : une discussion qui dure tard dans la nuit, des rigolades, des bisous et des câlins, je les aime bien, moi, ces jeunes ! Surtout la pianiste, étudiante en dernière année de conservatoire, qui tous les soirs fait chanter le piano à queue dans le salon. Le pauvre ! Il pleurait toute la journée, abandonné sous ses touches d’ivoire cassées.

Imagine…. ça crie, un piano qui se tait pendant un demi-siècle. Elle a entendu. Tout le monde est venu. On ne me laissera plus jamais seul.»

« Il y a un moment pour tout… »

…et un temps pour chaque chose sous le ciel, on le sait grâce à l’Ecclésiaste, et le constat vaut pour nos habitations. Un temps pour peupler, un temps pour vider. Un temps pour bâtir, un temps pour partir. Et la durée d’occupation n’a évidemment rien à voir avec la viabilité de la charpente ou des matériaux. Une maison peut vivre des siècles, le projet qui lui a donné sens une petite année. Qui n’a connu de ces couples fébrilement unis le temps de la construction – sélection du maître d’ouvrage, suivi des travaux, choix des matériaux- qui se sont séparés juste après l’installation ? Qui n’a ressenti la différence de vibration entre la maison de famille emplie d’enfants et le lieux déserté après le départ du petit dernier ?

Il en va des maisons comme des civilisations. Il a fallu cinq siècles à la civilisation Maya pour s’étendre dans quatre pays sur un territoire grand comme la France. Trois siècles ont suffi à la faire disparaître, mystérieuse évanescence implacablement finalisée, certes, par Cortes et ses amis conquistadors.

Il n’existe aucune corrélation entre le temps de mise en place d’un lieu et sa durée de vie effective. Il ne vit que par l’intention, le projet et la nourriture quotidienne apportée à ce projet. Réinitialisation permanente. Car le lieu a avant tout besoin de servir. Qu’il s’agisse d’apaiser le rescapé d’un divorce, de rétablir un adolescent en perdition, d’adoucir les derniers jours d’une personne âgée, de souder une famille recomposée… Le lieu tient à sa mission. Lorsque la mission ou le projet s’arrêtent, il cesse de vivre. Il nous quitte en quelque sorte, ce qui veut dire que nous l’occupons, mais nous ne l’habitons plus vraiment. Squat mécanique où les échanges sont réduits à minima. On y mange, on y dort, on y passe sans être affecté, aveugle et globalement indifférent. Et l’indifférence est le contraire de l’amour.

Et vous, où en êtes-vous avec votre maison ou votre appartement ? S’agit-il d’un lieu de vie, d’un espace de non-vie, ou encore d’un enclos de mort, une zone aux énergies atones qui ne donne rien parce qu’on ne lui apporte rien ? Attention, le jeu n’est pas à somme nulle. Cette pseudo-neutralité détruit de part et d’autre. On perd autant son temps dans le lieu, que le lieu le perd avec nous. Ce gâchis se paye lourdement. Pour l’éviter, retrouvons de toute urgence le projet qui donnera sens et vibration. Sinon quittons-nous, tristes certes, mais bons amis. Le lieu, tout comme nous, a mieux à faire et surtout, à vivre!

« Il suffira d’un signe »

Rien n’est fortuit, on l’a vu, dans l’acquisition d’un lieu. On peut se tromper sur l’achat d’une voiture- trop flashy ou trop grande, ou d’un vêtement, à l’usage non accordé à notre fréquence et qu’on ne mettra pas. Mais si l’on reste attentif, on ne se trompe pas sur un lieu.

Un exemple : sur le point d’acheter un appartement parisien dans le Marais, rue bourrée de bars et d’animation ( elle s’appelle d’ailleurs rue St Merri/Merry J), lieu à la fois original et créatif qui convenait à merveille à mon cahier des charges, j’ai reculé. Refus d’obstacle. Pourtant j’avais déroulé le parcours du combattant investisseur : visites répétées avec conseils de proches, échanges multiples avec le gestionnaire de biens, offre âprement négociée avant d’être dûment couchée sur le formulaire réservé à cet effet le vendredi soir.
Ouf, départ en week-end ensuite, direction l’ouest et, plus avant, l’Aber Wrach, pointe nord du Finistère. Ciels transparents sur fjord de granit, dentelle de voiliers à l’horizon et, bonus du mois de juillet en Bretagne, une heure d’ensoleillement de plus le soir pour cause d’occident aggravé !
Tandis donc que je lisais dans une chambre à l’ouest, à l’heure où Paris sombre dans le crépuscule, une explosion de rose, pourpre, orange, a envahi la pièce. Une gerbe de couleurs, chaude, intense qui m’a fait sourire, presque malgré moi.

Délices… Et tout de suite une pensée : l’appartement rue Saint Merri est situé au nord. Au 1er étage. Ses hautes fenêtres ne reçoivent pas le soleil. Adieu la douceur de ses visites au fil de la journée, la caresse de ses lueurs sur les murs,  ses bains de lumière qui réchauffent les cœurs. Renoncement impossible. Je n’ai pas acheté le lieu.

J’ai remercié plus tard cette évidence intime, le fameux insight que célèbrent plus volontiers que nous les anglo-saxons, moins rationnels. Il s’apparente aux flash, aux intuitions, aux synchronicités  que vous ne manquez pas de percevoir lorsque vous vous apprêtez à poser des décisions aux enjeux importants : choix de vie, de métier, de partenaire….ou achat d’un lieu.
C’est l’inconscient qui vous parle. Il se promène dans le temps, entre différents niveaux de réalité. Il écoute. Il sait. Et  tandis que votre raison soliloque- souvent au mépris de l’évidence, il parle. S’initier à son langage, c’est s’assurer un éclairage de plus pour la juste décision. Qu’il s’agisse d’agir… ou de ne pas agir.

« Les SDF – Ses Domiciles Fixes »

Vous est-il arrivé, couple institué et installé dans le même foyer, d’envier les aventureux SDF – les Ses Domiciles Fixes? Ces bienheureux qui partagent et se partagent deux domiciles, le leur et celui de leur compagnon ou compagne? Ils passent de l’un à l’autre avec aisance, chargé de quelques affaires, répandant quelques menues traces de leur influence dans le lieu de l’autre – le volume desdites traces étant en corrélation avec la viabilité de la relation. Ils se replient en cas de tensions,- vite retrouver son quant-à-soi dans SES murs – pour mieux se retrouver avec une passion que le quotidien n’affecte pas.…. Ainsi rêvera, un soir de grande solitude, le co-habitant contemplant d’un œil morne son « foyer » usé. Et pourtant !

Première réflexion: l’arrangement perd ses charmes quand il y a enfants, c’est-à-dire foyer séparé certes mais non vacant, car peuplé d’une progéniture génétiquement distincte. Il est saturé d’une famille par essence étrangère, voire d’un passé si le lieu était celui du quotidien familial avant le divorce. Sensation nette alors: vous n’avez pas votre place.

Seconde réflexion; la transhumance, charmante, fantasque, voire imprévue au départ, s’avère rapidement laborieuse quand il s’agit d’anticiper l’intendance au fil de la semaine: oubli d’une ceinture, d’une paire de lunettes de soleil ou du produit lentilles, et l’existence s’alourdit d’une gestion matérielle qui écrase peu à peu les élans du cœur.

Troisième réflexion: à force d’osciller entre les lieux, l’investissement sur le camp de base s’affaiblit et ce dernier l’exprime: frigo en déshérence, canapé maussade, ampoules qui cessent de fonctionner, plomberie qui renâcle, impression de froid dans les pièces… Le lieu se venge à sa façon. Au final le transhumant risque de se retrouver flottant entre son lieu muré de déception et l’autre, non investi ou carrément hostile, si passif conjugo-familial encore présent.

Enfin, la longévité de cet arrangement bipolaire repose souvent sur le choix d’une superficialité, assumée ou non. Le principe d’apparition ou de figuration ponctuelle qui le constitue n’augure pas forcément d’une profondeur ni d’une transparence des cœurs. L’intimité, cette brèche dans le rempart de son quant-à-soi, découle du temps, de l’apprivoisement progressif de l’étrangeté de l’autre. Les SDF n’en effleureront que le rivage, vagues sans cesse repoussées vers l’océan de leur solitude

Le pionnier, lui, abandonnera ce flux et reflux des deux lieux pour n’en choisir qu’un seul: un foyer, domicile fixe et par essence partagé. Avec un peu d’imagination, il en fera son île. Et la bonne nouvelle, c’est qu’avec constance et conviction, beaucoup !, il en goûtera les trésors. Indicibles….

A jeudi !

« Vide, meublée ou hantée ? »

« Attention, vous achetez une maison hantée ! ».

Cette mise en garde, vous ne l’entendrez jamais d’un agent immobilier, encore moins du notaire qui conclura la vente. Pourtant elle devrait figurer dans la majorité des actes. Rares sont les maisons qui aussi vides qu’elles l’annoncent. Parmi les strates de peuplement qu’elles ont connues, vous trouverez toujours un ou une propriétaire qui n’a pas lâché, même et surtout mort. Un fantôme jaloux de l’ancrage matériel que lui assurait son bien et qu’il habite toujours. Jalousement.

J’ai vu des arrivants enthousiastes s’aigrir peu à peu au fil des mauvaises surprises. Toit qui s’effondre, plafonds qui s’infiltrent à répétition, odeurs fétides et inexplicables. Le fantôme du lieu ne les accueillait pas. Au contraire de la maison qui , elle, voulait de nouveaux propriétaires, de la vie, des rires, des visites ! Las, elle n’avait pas la main. Le fantôme avait décidé.
Ces arrivants ont revendu au bout d’un an, amers et perplexes, avec cette frustration de qui n’a pas réussi à se faire sa place. Normal, le fantôme l’occupait toute, soit qu’il avait quelque chose à terminer dans sa maison – syndrome de l’inachèvement, soit qu’il doutait que le paradis évoqué par les instances religieuses pût égaler celui dont il jouissait au quotidien. En exclusivité.

Parfois la rencontre se passe mieux. Le fantôme comme la maison agréent les nouveaux propriétaires. Sans doute parce qu’ils leur attribuent le pouvoir d’achever ce qui n’a pas été résolu dans leur histoire, tolérance qui n’augure pas forcément du bonheur dans les murs tant le projet du couple fantôme-maison peut troubler la réalité des nouveaux habitants.

La situation idéale s’appelle la convergence. Les projets des deux camps se rejoignent. Les nouveaux arrivants viennent à point nommé dénouer le lien maison-fantôme, car inutile de le préciser, cette situation est pathologique pour le dernier tandem, figé dans l’impossible. On a même vu des nouveaux propriétaires libérer la maison de son fantôme ! Impression de légèreté en façade comme à l’intérieur, clarté revenue, la voix résonne plus clair dans les pièces. On y circule de façon fluide. Famille et amis y évoluent librement, sans interférences. On s’y sent bien.

Nouveaux propriétaires, sortez votre radar en découvrant le lieu convoité. Y respirez-vous seuls ? Ou bien, présence invisible aux aguets, partagez-vous l’air avec une autre population ? Si tel est le cas, cherchez à sentir ses intentions vous concernant. Et surtout qui sera le maître. L’appropriation finale reste ici la clef. Car sachez-le, vous qui attendez de vous sentir bien-chez-vous, on n’a jamais vu une maison fonctionner en double commande.

A jeudi!

 

« Propriétaire ou usurpateur ? »

J’ai observé que la démarche d’achat immobilier met en évidence deux profils.
Ceux qui achètent légers, insouciants, en série parfois. Une belle vue, accès commode via TGV ou aéroport, soleil ou ski en perspective et l’affaire est pliée. Propriétaires, ils ont pris place dans le paysage.

A l’opposé on trouve ceux que les agents immobiliers reniflent d’emblée, les acheteurs de sens, ceux qui compliquent le processus parce qu’il cherchent à le justifier. On ne s’installe pas n’importe où sans raison, disent-ils en substance, inspirés en cela d’un chamanisme inconscient. Cette terre possède une histoire propre. Elle ne nous admettra que si nous entrons en résonance avec elle. Sinon, nous l’occuperons, usurpateurs ou colonialistes.

Et le phénomène vaut autant pour la Corse, territoire notoirement sensible, que pour le Perche-Normandie.

Cette logique, consciente ou inconsciente, les rend attentifs, prudents, circonspects pendant le processus d’appropriation du lieu. Ils l’effleurent, y passent et repassent, réclament plusieurs visites, souvent à des horaires différents. Ils investiguent, se renseignent et… trouvent toujours la raison de leur achat, surtout si l’endroit leur plaît plus que tout !

On invoquera des origines, réelles ou fantasmatiques. Une lignée celte ou viking, un héritage cathare, la mythologie grecque, une passion pour tel ou tel artiste issu de la région, un attachement culturel ou culinaire J Qu’elle soit génétique, spirituelle, intellectuelle, cette résonance s’avère à mon sens indispensable pour justifier la prise de territoire.

Dans une époque où la surpopulation et l’épuisement des ressources naturelles font de la possession d’un lieu un privilège, on a tout intérêt à en estimer la vraie valeur. Au moment de l’achat, bien sûr, et ensuite quand il s’agit d’honorer cette possession- continuité encore plus nécessaire pour les investissements d’agrément que constituent les maisons secondaires.

Sinon le lieu risque de se venger d’être pris puis délaissé, quelle que soit la forme de ce désinvestissement symbolique : problèmes de plomberie ou de toiture, effondrement de terrain, tensions de voisinage, prédations ou agressions de l’environnement, plastiquage voire (cf la Corse, toujours).

Tout se passe comme si une fois acheté, le lieu réclamait un autre tribut : celui du cœur et de l’âme. Et tout le reste n’est qu’usurpation.

A jeudi !

« Au risque de se faire happer »

Avez-vous déjà été saisi par un endroit ? Maison, appartement, péniche, cabane, voire? Vous alliez libre, citoyen de la terre entière quand soudain…Cette maison ( vaut pour appartement, péniche, cf liste ci-dessus) ! Vous voici aspiré. Évidemment sans savoir pourquoi. Vous visitez et revisitez. Vous en parlez. Vous en rêvez. Il vous la faut. Obsession.

Bien sûr, vous pouvez et c’est même recommandé, vous enquérir du pedigree de l’endroit : date de construction, historique des éventuels travaux, noms des différents propriétaires. Cette prise de références, si consciencieuse soit-elle, s’avère rarement probante. L’essentiel ne se dit pas dans les mots. Et encore moins dans les titres de propriété.

Seule la maison sait. Elle a tissé au fil des ans son histoire, un mélange entre celle de ses habitants et ses réactions auxdites. Telle violence conjugale l’a meurtrie, telle idylle l’a réjouie, telle mort l’a soulagée tandis que telle autre l’a détruite. Elle a jubilé, souffert, vibré, pleuré en résonance et avec ses occupants.

Elle est donc marquée, comme nous tous. En quête de réparation, aussi. Pour tel naufrage conjugal, vite, un couple qui dure. En réponse à un long veuvage austère, ouf un play-boy polymorphe…

Violent, précis, presque magnétique, l’appel ne nous touche que si nous sommes en mesure d’y répondre. Sinon il ne se passe rien. Mais une fois le contact établi, à nous de faire le tri entre notre besoin et celui du lieu qui nous attire à ce point. Car si la volonté du lieu l’emporte, on explosera. Personne, ni couple aimant, ni célibataire jubilant, ni famille unie, ne suffira à rétablir la paix des strates de vie antérieures. Vous passerez votre temps à remplir un puits sans fond, une offrande mécanique et infinie, jamais pertinente. J’ai vu des familles s’épuiser ainsi, des couples s’étioler, des vies se rabougrir au nom d’une sorte de sacerdoce immobilier.

« On ne part pas cette année, on répare le toit… Nous on est très famille, le week-end ça sert à cocooner… pourquoi sortir, on est tellement bien à la maison…. »

Qui est au gouvernail dans ces cas-là ? Demandez-vous toujours si c’est bien vous qui menez votre barque. Et surtout, si c’est de votre projet qu’il s’agit. Car à l’instar des êtres, certains lieux vous happent. Et sans retour.

A lundi!

« Nos maisons nous choisissent »

Nous entretenons d’ordinaire un rapport désinvolte avec les lieux. Qui n’a, au détour d’un trajet automobile, jeté son dévolu sur telle ou telle maison, oubliée quelques kilomètres plus loin dès l’extinction de l’élan initial? Je connais des gens qui sont virtuellement propriétaires de centaines d’endroits, croisés au hasard des vacances et autres week-ends.

Puis, pour les privilégiés d’entre nous, vient le jour de l’achat : appartement, maison, pavillon, résidence secondaire. La raison nous poussant à investir dans la pierre-placement-sûr, nous agissons. En conscience, croyons-nous.

J‘ai toujours pensé que la logique de ces investissements provenait d’ailleurs, d’une histoire consciente ou inconsciente déjà écrite au moment de l’achat. Du conte de fée d’un père m’offrant, enfant, la plus belle chambre d’un manoir breton, quadriphonie de concerto marin sous mes fenêtres, à la vérité anticipée d’un appartement bruxellois mis en vente pour cause de divorce et annonçant celui du couple des nouveaux propriétaires un an plus tard…

Nous ne choisissons pas nos lieux, même s’ils s’avèrent être, en bonne comptabilité immobilière, de judicieux placements. Ce sont eux qui nous élisent pour le projet qu’ils nous destinent. Projet généralement bienveillant, qu’il s’agisse de souder des tribus, de renouveler des relations de couple, d’inspirer une famille à venir, d’apaiser les tensions de ces drôles de foyers recomposés.
Là s’expriment les bons lieux, ceux qui rayonnent joie et accueil, ceux qui démultiplient la vie. Mais les « mauvais lieux »- car l’appréciation reste ambigue, nous y viendrons dans la prochaine chronique- tiennent aussi à leur projet. Ils l’annoncent d’emblée, d’ailleurs, pour qui sait percevoir.

Aussi , prospect immobilier,soyez attentif au premier contact, quand la porte s’ouvre. L’odeur de l’entrée, la qualité de la lumière dans les pièces, les
craquements du parquet ou d’un placard qui s’ouvre.Tout parle. Le lieu délivre son message. D’emblée.
Plutôt que de vous fier à vos imaginations, parfois trompeuses, je vous recommanderai d’écouter votre corps. D’entendre ce que lui, outil privilégié de l’inconscient, perçoit. Le mental ne comprend rien, occupé qu’il est à écouter l’argumentaire de l’agent immobilier. Demandez-vous donc comment vous vous sentez. Légers, apaisés, réconfortés?
Ou au contraire, tendus, agacés, mal à l’aise?

Dans un cas, vous êtes en phase. Dans l’autre, la rencontre ne se fait pas, quand bien même le lieu vous veut. Tant pis pour lui. Après tout, on reste toujours libre de choisir à qui l’on appartient:)

A jeudi !