Dis âme, Diam’s ?

Nous, spectateurs, fans de tout poil et couleur de cheveux, aimons nos artistes qui nous rassemblent dans l’admiration et la liesse des concerts. Après avoir rempli l’ensemble des stades, Zenith et salles de spectacle de la francophonie rappeuse, Diam’s s’est retirée. Trois ans de silence et un coming out médiatique lié au lancement de son autobiographie cet automne- un succès forcément, le dimant ne ment pas. Nous apparaît dans son interview vidéo pour TF1 le visage sans fard et sans cheveux, voile oblige, d’une jeune femme en burqa, qui célèbre sereinement un Islam de paix et d’amour où elle a dit avoir  trouvé sa vraie nature.

Pour moi qui avais reçu un coup au plexus aux premières mesures de « Dans ma bulle » le titre éponyme de son album- phare (plus d’un million de ventes) un matin dans ma voiture, cette vidéo a produit le même résultat. Estomaquée.

Lumineuse sous les replis de sa tenue, elle explique le sien de repli, salvateur pour qui n’assumait pas le succès. « J’essayais de trouver du plaisir  en interview, dans la jet set, dans les soirée hype ». Effort remarquable pour nourrir les à-côtés indispensables d’une carrière de star- 10 ans tout rond- mais le couperet tombe : « Je kiffais pas » et, plus, « Je n’étais rien ».

Face à la dépression, survient la découverte de la prière grâce à une amie croyante, puis la conversion à l’Islam à laquelle ses origines de franco-chypriote baptisée et communiée dans la religion catholique ne la préparaient pas vraiment. Revirement suspect  dans un pays farouchement laïc et ce, d’autant plus que ladite religion se voit : cinq prières quotidiennes, le voile, le ramadan. Ce choix, la chanteuse  l’explique avec finesse dans un récit touchant de simplicité, de vérité et de désespoir aussi, un témoignage atypique d’une quête spirituelle dans le monde du show biz.

Cette histoire qu’on a envie d’appeler « épopée » quand on aime l’artiste et qu’on espère qu’elle sortira au moment juste du mode « pause » qu’elle revendique aujourd’hui, incarne pour moi quelque une des ambivalences de notre époque.

D’abord le rap, de colère fiévreuse et contestataire, s’accommode mal du succès. Prospère et bien nourri, exfiltré de sa banlieue jusqu’aux lambris luxueux d’un appartement du 16ème, son protagoniste perd de facto la sincérité de sa violence, sa révolte quintessentielle. De la même façon que Gandhi ne pouvait pas être obèse, « un rappeur à l’ISF, c’est pas zef ».

Me reviennent à ce propos mon malaise devant les prestations récentes des Rolling Stones dans leur tournée européenne.. « I can’t get no…. ». Satisfaction, eux ? Le déhanché de Mick appuie où il faut, mais ces ondulations ne tournent pas rond.  Comme un décalage de sincérité.

Le rap parle d’une époque d’impatience et de frustration, d’envie d’exister à travers marques de luxe et signes ostentatoires, où l’instantané d’une colère sort direct à l’antenne. «Pas besoin de savoir chanter ou jouer d’un instrument » remarque Diam’s . Pas d’étapes ni de travail, donc, pas d’heures englouties à peaufiner le jeu d’un instrument, ce qui prépare aux aléas et aux épreuves forcément rugueuses  d’une vie d’artiste. Et  légitime le succès aussi pour qui a laborieusement œuvré, au contraire d’une jeune pousse de banlieue tôt repérée dont le « Pourquoi moi ? » alias « Le vaux-je bien ? » a fini par devenir le mantra de sa dépression.

Enfin le plus troublant dans cette Diam’s au visage serein sous le voile, c’est la simplicité de son rapport à la prière, sa pureté de propos qui m’ont évoquée, sous son voile à elle et un siècle plus tôt dans sa banlieue normande… la toute jeune Thérèse de Lisieux. « L’histoire d’une âme », son autobiographie à elle, météore disparue de notre terre à 24 ans, scande dans les rythmes de son époque une quête d’absolu, un destin transcendé par l’amour pour la création, l’émotion pure devant les merveilles du ciel et de la nuit, des fleurs, des étoiles, l’infini.

L’évocation pourra faire bondir, une Sainte et une chanteuse !, pourtant j’ai entendu dans les deux récits comme les échos d’un rap mystique, universel dans ses formes et époques, qui engloberait les Psaumes, le Nouveau Testament et aussi le Coran cité avec jubilation par Diam’s dans son autobiographie :

« Allah, c’est Lui qui a créé les cieux et la terre et qui, du ciel, a fait descendre l’eau, grâce à laquelle il a produit les fruits pour vous nourrir….Allah vous a créés. Puis il vous fera mourir. »

Diam’s scandant le Coran« ça le fait » diront ses fans, on y entend sa voix, ses accents, sa franchise  et ses provocations.  Diam’s  qui nous rappe le Coran, c’est ok. Juste que le Coran  ne nous happe pas notre artiste, wesh !

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