Je même moi m’aime

Menue confusion de langage, toujours exempte d’abus de substances interdites, juste mue par l’afflux à mon conscient- et inconscient apparemment- de deux créations qui parlent d’amour… de façon particulière. En effet, que ce soit dans Her, film de Spike Jonze (2014)qui met en scène la relation passionnée d’un homme à son logiciel ( doté de voix de Scarlette Johansson tout de même) ou dans Real Humans ( 2013), une série suédoise détaillant  les relations entre des hommes et des robots à visage humain, le thème du rapport à l’autre- machine ou ordinateur plus exactement, fascine. Dans ces œuvres, l’homme acquiert un semblable machine qui devient son alter ego, offrant ad libitum échange et partage sur les registres les plus divers : mère, père, compagne, nounou, gouvernante, amant, soit autant d’avatars du confident de nos solitudes.  Quel que soit le rôle qui lui est attribué, l’alter ego machine nous accompagne pour donner sens et densité à nos moments de vie d’une durée toute déterminée- CDD par ailleurs inconnu des machines qui, elles, ne vieillissent pas définitivement. Elles se recyclent.

Ces intervenants d’amour reflètent à merveille nos attentes, nos fantasmes de relation idéale, d’omniprésence à nos côtés d’une instance de cœur à nous absolument dédiée.  Un autre qui comprendrait, devinerait, soutiendrait avant même que nous n’ayons pensé à demander. Un autre qui nous donnerait toujours exactement ce que nous voulons. Soit l’amour inconditionnel ou cet amour maternel parfait, si célébré, rarement éprouvé.  Nous rêvons de cet autre même qui nous aimerait sans altérité, une sorte d’oxymore déguisé en chiasme. Et forcément, ça rate. Que ce soit dans le film, dans la série, et a fortiori dans nos vies, l’autre s’émancipe, aimanté façon centrifuge vers un projet de vie qui le rend douloureusement inaliénable. C’est la découverte que font les amants, les instants d’extase fusionnels passés. L’univers de l’autre, sa vision du monde (la fameuse « mirovozrenie » des Russes) nous reste à jamais cachée, comme la nôtre pour lui. Ces univers se croisent, se recouvrent même au sens symbolique ou physique, mais ne se recoupent jamais. Les zones de non-recouvrement génèrent un manque insatiable, une souffrance souvent et aussi, heureusement, l’occasion d’une autre sorte d’amour.

L’amour de soi et du même qui va avec. Soi-même ou une instance à l’intérieur de nous qui veille inconditionnellement, qui nous parle à chaque instant. Et nous dit tout sur nous, pour nous, avec nous.  Qu’elle prenne la forme, selon les sensibilités, de  l’ange gardien, du guide, de l’inconscient ou d’une petite voix mystérieuse, elle ne s’entend que dans les moments où notre agitation s’interrompt. «  Avance… Attention mauvaise idée…. Tu peux lui faire confiance… Stop arrête ça…Fonce, c’est le moment…. », murmure-t-elle quand nous ralentissons à la faveur d ‘un moment de relâche ou, carrément, de détente. Une instance rassurante, patiente, fidèle. Pas un hasard si les petits enfants utilisent un doudou pour la capter aux instants sensibles- gros chagrin ou heure du dodo. Nous adultes ferions bien de nous en inspirer et d’acheter pour nous les peluches des enfants qui nous diront les mots que nous n’osons plus demander. Ou à défaut, de trouver l’animal chéri – chat, chien, cheval- qui nous transmettra ces paroles d’un nous-même que nous n’osons pas entendre.

Sinon nous trouverons peut-être ailleurs le questionnement qui mènera à cette écoute intime. Un ami ou un parent éveillé/éveilleur, souvent abrupt dans sa mission de vérité à notre égard ou encore un psy qui sait guider nous servira de truchement pour qu’enfin, l’autre, à l’intérieur, se mette à nous parler. Le questionnement secoue parfois. Normal, il faut bousculer l’ego pour que le soi laisse la place au même qui m’aime de l’intérieur.

Moi-même m’aime. Qui parvient à faire entendre cette voix chez soi ou chez l’autre sauve une vie.  Se  potentialise alors un amour viscéral, inébranlable, inconditionnel quelles que soient les aléas du destin. Un amour contagieux aussi, donc éternel.

Je dédie ce post à mon amie Pascale et à Jean, son papa.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.